Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/134

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pérer l’ombre et la pluie, pendant les haltes, à désirer les repas.

Pourtant il fut trompé dans son attente, pluie ou soleil n’y faisait rien, et le masque restait sur le visage ; quant aux repas, ils étaient pris par la jeune femme dans une chambre séparée.

Aurilly comprit que, s’il ne reconnaissait pas, il était reconnu ; il essaya de voir par les serrures, mais la dame tournait constamment le dos aux portes ; il essaya de voir par les fenêtres, mais il trouva devant les fenêtres d’épais rideaux, ou, à défaut de rideaux, les manteaux des voyageurs.

Ni questions ni tentatives de corruption ne réussirent sur Remy ; le serviteur annonçait que telle était la volonté de sa maîtresse et par conséquent la sienne.

— Mais ces précautions sont-elles donc prises pour moi seul ? demandait Aurilly.

— Non, pour tout le monde.

— Mais enfin, M. le duc d’Anjou l’a vue ; alors elle ne se cachait pas.

— Hasard, pur hasard, répondait Remy, et c’est justement parce que, malgré elle, ma maîtresse a été vue par M. le duc d’Anjou, qu’elle prend ses précautions pour n’être plus vue par personne.

Cependant les jours s’écoulaient, on approchait du terme, et, grâce aux précautions de Remy et de sa maîtresse, la curiosité d’Aurilly avait été mise en défaut.

Déjà la Picardie apparaissait aux regards des voyageurs, Aurilly qui, depuis trois ou quatre jours, essayait de tout, de la bonne mine, de la bouderie, des petits soins, et presque des violences, commençait à perdre patience, et les mauvais instincts de sa nature prenaient peu à peu le dessus. On eût dit qu’il comprenait que, sous le voile de cette femme, était caché un secret mortel.

Un jour il demeura un peu en arrière, avec Remy, et re-