Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le silence soudain qui accueillit son arrivée lui prouva significativement qu’il gênait ; il se contenta donc de suivre par derrière comme il faisait quelquefois.

Dès ce moment, le projet d’Aurilly fut arrêté.

Il se défiait réellement de quelque chose, comme l’avait dit Remy ; seulement il se défiait instinctivement, car, pas un instant, son esprit, flottant de conjectures en conjectures, ne s’était arrêté à la réalité.

Il ne pouvait s’expliquer qu’on lui cachât avec tant d’acharnement ce visage que tôt ou tard il devait voir.

Pour mieux conduire son projet à sa fin, il sembla de ce moment y avoir complètement renoncé, et se montra le plus commode et le plus joyeux compagnon possible durant le reste de la journée.

Remy ne remarqua point ce changement sans inquiétude.

On arriva à une ville et l’on y coucha comme d’habitude.

Le lendemain, sous prétexte que la traite était longue, on partit avec le jour.

À midi, il fallut s’arrêter pour laisser reposer les chevaux.

À deux heures on se remit en route. On marcha encore jusqu’à quatre.

Une grande forêt se présentait dans le lointain : c’était celle de La Fère.

Elle avait cet aspect sombre et mystérieux de nos forêts du Nord ; mais cet aspect, si imposant pour les natures méridionales, à qui, avant toute chose, il faut la lumière du jour et la chaleur du soleil, était impuissant sur Remy et sur Diane, habitués aux bois profonds de l’Anjou et de la Sologne.

Seulement ils échangèrent un regard comme s’ils eussent compris tous deux que c’était là que les attendait cet événement qui, depuis le moment du départ, planait sur leurs têtes.

On entra dans la forêt.