Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/49

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comte du Bouchage, il nous eût déjà abordés ; vous savez s’il était persévérant.

— Je sais aussi qu’il était respectueux, Remy, car, sans ce respect même, je me fusse contentée de vous dire : Éloignez-le, Remy, et je ne m’en fusse point inquiétée davantage.

— Eh bien, Madame, s’il était si respectueux, ce respect, il l’aura conservé, et vous n’aurez pas plus à craindre de lui, en supposant que ce soit lui, sur la route de Bruxelles à Anvers, qu’à Paris dans la rue de Bussy.

— N’importe, continua la dame en regardant encore derrière elle, nous voici à Malines ; changeons de chevaux, s’il le faut, pour marcher plus vite, mais hâtons-nous d’arriver à Anvers, hâtons-nous.

— Alors, au contraire, je vous dirai, Madame : N’entrons point à Malines ; nos chevaux sont de bonne race, poussons jusqu’à ce bourg qu’on aperçoit là-bas à gauche et qui se nomme, je crois, Villebrock : de cette façon nous éviterons la ville, l’auberge, les questions, les curieux, et nous serons moins embarrassés pour changer de chevaux ou d’habits si par hasard la nécessité exige que nous en changions.

— Allons, Remy, droit au bourg alors.

Ils prirent à gauche, s’engageant dans un sentier à peine frayé, mais qui, cependant, se rendait visiblement à Villebrock.

Henri quitta la route au même endroit qu’eux, prit le même sentier qu’eux, et les suivit, gardant toujours sa distance.

L’inquiétude de Remy se manifestait dans ses regards obliques, dans son maintien agité, dans ce mouvement surtout qui lui était devenu habituel, de regarder en arrière avec une sorte de menace, et d’éperonner tout à coup son cheval.

Ces différents symptômes, comme on le comprend bien, n’échappaient point à sa compagne.