Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/60

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rantes, monsieur le comte. Je vous dis que vous n’entrerez ici qu’en passant sur mon corps.

— Alors, j’y passerai ! s’écria Henri, mais j’entrerai. Au nom du ciel, au nom de Dieu, au nom de ton salut et de celui de ta maîtresse, veux-tu ouvrir ?

— Non !

Le jeune homme regarda autour de lui, et aperçut une de ces pierres homériques comme en faisait rouler sur ses ennemis Ajax Télamon ; il souleva cette pierre entre ses bras, l’éleva sur sa tête, et s’avançant vers la maison, il la lança dans la porte.

La porte vola en éclats.

En même temps une balle siffla aux oreilles de Henri, mais sans le toucher.

Henri sauta sur Remy.

Remy tira son second pistolet, mais l’amorce seule prit feu.

— Mais tu vois bien que je n’ai pas d’armes, insensé ! s’écria Henri ; ne te défends donc plus contre un homme qui n’attaque pas, regarde seulement, regarde.

Et il le traîna près de la fenêtre, qu’il enfonça d’un coup de poing.

— Eh bien ! dit-il, vois-tu, maintenant, vois-tu ?

Et il lui montrait du doigt la nappe immense qui blanchissait à l’horizon, et qui grondait en marchant, comme le front d’une armée gigantesque.

— L’eau ! murmura Remy.

— Oui, l’eau ! l’eau ! s’écria Henri ; elle envahit ; vois à nos pieds : la rivière déborde, elle monte ; dans cinq minutes on ne pourra plus sortir d’ici.

— Madame ! cria Remy, Madame !

— Pas de cris, pas d’effroi, Remy. Prépare les chevaux ; et vite, vite !

— Il l’aime, pensa Remy, il la sauvera.

Remy courut à l’écurie, Henri s’élança vers l’escalier.