Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/78

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— Pour Dieu, répliqua Diane en levant vers le ciel sa main pâle et amaigrie comme celle de la sublime Madeleine.

— C’est vrai ! répondit Remy en laissant retomber sa tête sur sa poitrine ; c’est vrai !

Et comme Diane abaissait sa main, il la prit de ses deux bras, l’étreignit sur sa poitrine comme il eût fait de la relique d’une sainte.

— Oh ! que suis-je auprès de ces deux cœurs ? soupira le jeune homme avec le frisson de l’épouvante.

— Vous êtes, répondit Diane, la seule créature humaine sur laquelle j’ai attaché deux fois mes yeux depuis que j’ai condamné mes yeux à se fermer à jamais.

Henri s’agenouilla.

— Merci, Madame, dit-il, vous venez de vous révéler à moi tout entière ; merci, je vois clairement ma destinée : à partir de cette heure, plus un mot de ma bouche, plus une aspiration de mon cœur ne trahiront en moi celui qui vous aimait. Vous êtes au Seigneur, Madame, je ne suis point jaloux de Dieu.

Il venait d’achever ces paroles et se relevait pénétré de ce charme régénérateur qui accompagne toute grande et immuable résolution, quand, dans la plaine encore couverte de vapeurs qui allaient s’éclaircissant d’instants en instants, retentit un bruit de trompettes lointaines.

Les gendarmes sautèrent sur leurs armes, et furent à cheval avant le commandement.

Henri écoutait.

— Messieurs, Messieurs ! s’écria-t-il, ce sont les trompettes de l’amiral, je les reconnais, je les reconnais ; mon Dieu, Seigneur ! puissent-elles m’annoncer mon frère !

— Vous voyez bien que vous souhaitez encore quelque chose, lui dit Diane, et que vous aimez encore quelqu’un ; pourquoi donc choisiriez-vous le désespoir, enfant, comme ceux qui ne désirent plus rien, comme ceux qui n’aiment plus personne ?