Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/92

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profonde ; les gendarmes trouvèrent là deux hommes qui tâchaient, en mauvais flamand, d’obtenir d’un batelier le passage sur l’autre rive. Celui-ci refusait avec des menaces. L’enseigne parlait le hollandais, il s’avança doucement en tête de la colonne, et tandis que celle-ci faisait halte, il entendit ces mots :

— Vous êtes des Français, vous devez mourir ici ; vous ne passerez pas.

L’un des deux hommes lui appuya un poignard sur la gorge, et, sans se donner la peine d’essayer à lui parler sa langue, il lui dit en excellent français :

— C’est toi qui mourras ici, tout Flamand que tu es, si tu ne nous passes pas à l’instant même.

— Tenez ferme, Monsieur, tenez ferme ! cria l’enseigne, dans cinq minutes nous sommes à vous.

Mais pendant le mouvement que les deux Français firent en entendant ces paroles, le batelier détacha le nœud qui retenait sa barque au rivage et s’éloigna rapidement en les laissant sur le bord.

Mais un des gendarmes, comprenant de quelle utilité pouvait être le bateau, entra dans le fleuve avec son cheval et abattit le batelier d’un coup de pistolet.

Le bateau, sans guide, tourna sur lui-même ; mais comme il n’avait pas encore atteint le milieu du fleuve, le remous le repoussa vers la rive. Les deux hommes s’en emparèrent aussitôt qu’il toucha le bord, et s’y logèrent les premiers. Cet empressement à s’isoler étonna l’enseigne.

— Eh ! Messieurs, demanda-t-il, qui êtes-vous, s’il vous plaît ?

— Monsieur, nous sommes officiers au régiment de la marine, et vous gendarmes d’Aunis, à ce qu’il paraît ?

— Oui, Messieurs, et bien heureux de pouvoir vous être utiles ; n’allez-vous point nous accompagner ?

— Volontiers, Messieurs.

— Montez sur les chariots alors, si vous êtes trop fatigués pour nous suivre à pied.