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— Pas même à Athos et à Porthos ?

— Je ne leur en ai pas soufflé le moindre mot.

— À la bonne heure.

Tranquille sur ce point important, Aramis continua son chemin avec d’Artagnan, et tous deux arrivèrent bientôt chez Athos.

Ils le trouvèrent tenant son congé d’une main et la lettre de M. de Tréville de l’autre.

— Pouvez-vous m’expliquer ce que signifient ce congé et cette lettre que je viens de recevoir ? dit Athos étonné.

« Mon cher Athos, je veux bien, puisque votre santé l’exige absolument, que vous vous reposiez quinze jours. Allez donc prendre les eaux de Forges ou telles autres qui vous conviendront, et rétablissez-vous promptement.

« Votre affectionné

« Tréville »

— Eh bien ! ce congé et cette lettre signifient qu’il faut me suivre, Athos.

— Aux eaux de Forges ?

— Là ou ailleurs.

— Pour le service du roi ?

— Du roi ou de la reine : ne sommes-nous pas serviteurs de Leurs Majestés ?

En ce moment, Porthos entra.

— Pardieu, dit-il, voici une chose étrange : depuis quand, dans les mousquetaires, accorde-t-on aux gens des congés sans qu’ils les demandent ?

— Depuis, dit d’Artagnan, qu’ils ont des amis qui les demandent pour eux.

— Ah ! ah ! dit Porthos, il paraît qu’il y a du nouveau ici ?

— Oui, nous partons, dit Aramis.

— Pour quel pays ? demanda Porthos.

— Ma foi, je n’en sais trop rien, dit Athos ; demande cela à d’Artagnan.

— Pour Londres, messieurs, dit d’Artagnan.

— Pour Londres ! s’écria Porthos ; et qu’allons-nous faire à Londres ?

— Voilà ce que je ne puis vous dire, messieurs, et il faut vous fier à moi.

— Mais pour aller à Londres, ajouta Porthos, il faut de l’argent, et je n’en ai pas.

— Ni moi, dit Aramis.

— Ni moi, dit Athos.

— J’en ai, moi, reprit d’Artagnan en tirant son trésor de sa poche et en le posant sur la table. Il y a dans ce sac trois cents pistoles ; prenons-en chacun soixante-quinze ; c’est autant qu’il en faut pour aller à Londres et pour en revenir. D’ailleurs, soyez tranquilles, nous n’y arriverons pas tous à Londres.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que, selon toute probabilité, il y en aura quelques-uns d’entre nous qui resteront en route.

— Mais est-ce donc une campagne que nous entreprenons ?

— Et des plus dangereuses, je vous en avertis.

— Ah çà ! puisque nous risquons de nous faire tuer, dit Porthos, je voudrais bien savoir pourquoi, au moins ?

— Tu en seras bien plus avancé, dit Athos.