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levée. Force lui fut donc, après avoir avalé sa bouteille par désœuvrement et pour ne pas éveiller les soupçons, de chercher dans son coin la posture la plus satisfaisante possible et de s’endormir tant bien que mal. D’Artagnan avait vingt ans, on se le rappelle, et à cet âge le sommeil a des droits imprescriptibles qu’il réclame impérieusement, même sur les cœurs les plus désespérés.

Vers six heures du matin, d’Artagnan se réveilla avec ce malaise qui accompagne ordinairement le point du jour après une mauvaise nuit. Sa toilette n’était pas longue à faire ; il se tâta pour s’assurer qu’on n’avait point profité de son sommeil pour le voler, et ayant retrouvé son diamant à son doigt, sa bourse dans sa poche et ses pistolets à sa ceinture, il se leva, paya sa bouteille et sortit pour voir s’il n’aurait pas plus de bonheur dans la recherche de son laquais le matin que la nuit. En effet, la première chose qu’il aperçut à travers le brouillard humide et grisâtre, ce fut l’honnête Planchet qui, les deux chevaux en main, l’attendait à la porte d’un petit cabaret borgne devant lequel d’Artagnan avait passé sans même soupçonner son existence.