Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.pdf/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il venait prier Porthos de passer à son logis, où, disait-il d’un air fort piteux, sa présence était urgente.

— Sont-ce mes équipages ? demanda Porthos.

— Oui et non, répondit Mousqueton.

— Mais enfin que veux-tu dire ?…

— Venez, monsieur.

Porthos se leva, salua ses amis et suivit Mousqueton.

Un instant après, Bazin apparut au seuil de la porte.

— Que me voulez-vous, mon ami ? dit Aramis avec cette douceur de langage que l’on remarquait en lui chaque fois que ses idées le ramenaient vers l’église…

— Un homme attend monsieur à la maison, répondit Bazin.

— Un homme ! quel homme ?

— Un mendiant.

— Faites-lui l’aumône, Bazin, et dites-lui de prier pour un pauvre pécheur.

— Ce mendiant veut à toute force vous parler, et prétend que vous serez bien aise de le voir.

— N’a-t-il rien dit de particulier pour moi ?

— Si fait. Si M. Aramis, a-t-il dit, hésite à me venir trouver, vous lui annoncerez que j’arrive de Tours.

— De Tours ? j’y vais ! s’écria Aramis. Messieurs, mille pardons, mais sans doute cet homme m’apporte des nouvelles que j’attendais.

Et se levant aussitôt, il s’éloigna tout courant.

Restèrent Athos et d’Artagnan.

— Je crois que ces gaillards-là ont trouvé leur affaire. Qu’en pensez-vous, d’Artagnan ? dit Athos.

— Je sais que Porthos était en bon train, dit d’Artagnan, et quant à Aramis, à vrai dire, je n’en ai jamais été sérieusement inquiet. Mais vous, mon cher Athos, vous qui avez si généreusement distribué les pistoles de l’Anglais qui étaient votre bien légitime, qu’allez-vous faire ?

— Je suis fort content d’avoir tué ce drôle, vu qu’il avait eu la sotte curiosité de vouloir connaître mon véritable nom ; mais si j’avais empoché ses pistoles, elles me pèseraient comme un remords.

— Allons donc, mon cher Athos, vous avez vraiment des délicatesses inconcevables.

— Passons, passons ! Que me disait donc M. de Tréville, qui me fit l’honneur de me venir voir hier, que vous hantez ces Anglais suspects que protége le cardinal ?

— C’est-à-dire que je rends visite à une Anglaise, celle dont je vous ai parlé.

— Ah ! oui, la femme blonde, au sujet de laquelle je vous ai donné des conseils que naturellement vous vous êtes bien gardé de suivre.

— Je vous ai donné mes raisons. J’ai acquis la certitude que cette femme était pour quelque chose dans l’enlèvement de Mme Bonacieux.

— Oui, et je comprends ; pour retrouver une femme, vous faites la cour à une autre. C’est le chemin le plus long, mais le plus amusant.

D’Artagnan fut sur le point de tout raconter à Athos, mais une réflexion l’arrêta : Athos était un gentilhomme sévère sur l’article d’honneur, et il y avait