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CHAPITRE XXXVII.

LE SECRET DE MILADY.


lettrine Malgré les instances de Ketty, d’Artagnan était sorti de l’hôtel au lieu de monter tout de suite chez la jeune fille, pour y attendre l’heure de son entretien avec milady ; et cela pour deux raisons : la première, c’est que de cette façon il évitait les reproches, les récriminations, les prières de la jolie soubrette ; la seconde, c’est qu’il n’était pas fâché de réfléchir et de pénétrer froidement, s’il était possible, dans la pensée de cette femme.

Ce qu’il y avait de plus clair là-dedans, c’est que d’Artagnan aimait milady comme un fou, et qu’elle, au contraire, ne l’aimait pas le moins du monde. Un instant il comprit que ce qu’il aurait de mieux à faire ce serait de rentrer chez lui et d’écrire à milady une longue lettre dans laquelle il lui avouerait que lui et de Wardes étaient jusqu’à présent le même personnage ; que par conséquent il ne pouvait s’engager sous peine de suicide à tuer de Wardes dont elle prétendait avoir à se plaindre. Mais lui aussi était éperonné d’un féroce désir de vengeance ; il voulait posséder à son tour cette femme sous son propre nom, et comme cette vengeance lui paraissait avoir une certaine douceur, il n’entendait point y renoncer.

Il fit cinq ou six fois le tour de la place Royale, se retournant de dix pas en dix pas pour regarder la lumière de l’appartement de milady, qu’on apercevait à travers les jalousies : il était évident que cette fois la jeune femme était moins pressée que la première de rentrer dans sa chambre.

Enfin la lumière disparut.

Avec cette lueur s’éteignit la dernière irrésolution dans le cœur de d’Artagnan. Il se rappela les détails de la première nuit, et, le cœur bondissant, la tête en feu, il rentra dans l’hôtel et se précipita dans la chambre de Ketty.

La jeune fille, pâle comme la mort, tremblant de tous ses membres, voulut