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CHAPITRE L.

CAUSERIE D’UN FRÈRE AVEC SA SŒUR.


lettrine Pendant le temps que Lord de Winter mit à fermer la porte, à pousser un volet et à approcher un siége du fauteuil de sa belle-sœur, milady, rêveuse, plongea son regard dans les profondeurs de la possibilité et découvrit toute la trame qu’elle n’avait pas même pu entrevoir, tant qu’elle ignorait en quelles mains elle était tombée. Elle connaissait son beau-frère pour un bon gentilhomme, franc chasseur, joueur intrépide, entreprenant près des femmes, mais d’une force inférieure à la sienne à l’endroit de l’intrigue. Comment avait-il pu découvrir son arrivée, la faire saisir, et pourquoi la retenait-il ?

Athos lui avait bien dit quelques mots qui prouvaient que la conversation qu’elle avait eue avec le cardinal était tombée dans des oreilles étrangères, mais elle ne pouvait admettre qu’il eût pu creuser une contre-mine si prompte et si hardie. Elle craignit bien plutôt que ses précédentes opérations en Angleterre n’eussent été découvertes. Buckingham pouvait avoir deviné que c’était elle qui avait coupé les deux ferrets, et se venger de cette petite trahison. Mais Buckingham était incapable de se porter à aucun excès contre une femme, surtout si cette femme était censée avoir agi par un sentiment de jalousie.

Cette supposition lui parut la plus probable ; il lui sembla qu’on voulait se venger du passé et non aller au-devant de l’avenir. Toutefois, et en tout cas, elle s’applaudit d’être tombée entre les mains de son beau-frère, dont elle comptait avoir bon marché, plutôt qu’entre celles d’un ennemi direct et intelligent.

— Oui, causons, mon frère, dit-elle avec une espèce d’enjouement, décidée qu’elle était à tirer de la conversation, malgré toute la dissimulation que pourrait