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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/106

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le premier acte fut écouté avec bienveillance, quoique l’exposition soit longue, froide et ennuyeuse. La toile tomba. Ces mots du duc de Guise : « Saint-Paul ! qu’on me cherche les mêmes hommes qui ont assassiné Dugast ! » furent vivement applaudis, et réchauffèrent le public et les artistes.

Je courus voir comment allait ma mère.

À mon retour dans la salle, je retrouvai M. De violaine dans le corridor ; seulement, comme j’y apparaissais, il entrait vivement dans un petit cabinet. Je crus qu’il avait l’intention de m’éviter : je le calomniais, pauvre cher homme ! il était occupé de toute autre chose.

Le deuxième acte commença ; celui-là était amusant ; la scène de la sarbacane, que je craignais beaucoup, passa sans opposition aucune. La toile tomba au milieu d’applaudissements parfaitement nourris.

C’était le troisième acte qui devait décider le succès. — Dans le troisième acte se trouvait la scène entre le page et la duchesse, et la scène entre la duchesse et le duc ; scène où M. de Guise force sa femme de donner un rendez-vous à Saint-Mégrin. Si la violence de cette scène trouvait grâce en face du public, c’était ville gagnée.

La scène souleva des cris de terreur, mais, en même temps, des tonnerres d’applaudissements : c’était la première fois qu’on voyait aborder au théâtre des scènes dramatiques avec cette franchise, je dirais presque avec cette brutalité.

Je sortis ; j’avais hâte de voir ma pauvre mère, et de l’embrasser, quoique, dans l’état où elle était, elle pût à peine comprendre que c’était moi qui l’embrassais.

Que j’eusse été heureux, si, au lieu d’être dans son lit, elle eût été dans la salle !

Elle dormait d’un sommeil assez paisible ; je l’embrassai sans qu’elle se réveillât, et je repris le chemin du théâtre. Sous le péristyle, je rencontrai M. Deviolaine, qui s’en allait.

— Comment ! lui dis-je, vous ne restez pas jusqu’à la fin ?

— Est-ce que je puis rester jusqu’à la fin, animal ?

— Mais pourquoi cela, ne pouvez-vous pas rester ?…