Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/100

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nous repartîmes d’Oneille le lendemain au point du jour. Nous n’en dirons pas grand’chose, si ce n’est que c’est la patrie du grand André Doria, ce qui n’empêche pas, à en juger par celle où nous couchâmes, que ses auberges n’en soient détestables.

Au point du jour nous nous remîmes en route. Nous commencions à nous réveiller, lorsque nous traversâmes Alessio, où nous vîmes pour la première fois les femmes coiffées de mezzaro génois, voile blanc, qui, sans le cacher, encadre leur visage. Quant aux hommes, c’étaient autrefois de hardis marins, qui prirent part avec Pizarre à la conquête du Pérou, et avec don Juan d’Autriche à la victoire de Lépante.

Nous nous arrêtâmes pour déjeuner à Albenga, ville au doux nom, mais à laquelle ses remparts croulans et ses tours en ruines donnent un aspect des plus sombres. C’est à Albenga, s’il faut en croire madame de Genlis, que la duchesse de Cerifalco fut enfermée pendant neuf ans dans un souterrain par son mari.

Un autre point historique plus sérieusement arrêté, c’est que ce fut à Albenga que naquit ce Proculus qui disputa l’empire à Probus, et Decius Pertinax, qu’il ne faut pas confondre avec le Pertinax qui devint empereur.

Albenga possède deux monumens antiques, son baptistère, qui remonte, assure-ton, à Proculus et son ponte longo qui fut bâti par le général romain Constance. Une chose remarquable au reste, c’est que les habitans d’Albenga, l’ancienne Albingaunum, s’étant alliés avec Magon, frère d’Annibal, furent compris dans le traité de paix qu’il fit avec le consul romain Publius Ælius ; et depuis ce temps, jusqu’au xiie siècle, en vertu de ce traité, se gouvernèrent par leurs propres lois, frappant monnaie comme un État indépendant. Au xiie siècle, les Pisans en guerre avec les Génois prirent Albenga et la saccagèrent. Rebâtie par les Génois, elle resta depuis ce temps en leur pouvoir, sans être brûlée, c’est vrai, mais aussi sans être rebâtie, ce qui fait qu’Albenga aurait grand besoin d’être brûlée une seconde fois.

La route continuait au reste à être délicieuse et pleine d’accidens plus pittoresques les uns que les autres ; avec la mer à notre droite, calme comme un lac et resplendissante