Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/124

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dix minutes après, Bianca descendit et vit qu’il lui était impossible de rentrer chez son père.

Bianca était une de ces âmes fortes dont les résolutions se prennent en un instant, et une fois prises sont inébranlables : elle vit tout son avenir changé par un accident, et elle accepta sans hésiter la vie nouvelle que cet accident lui faisait.

Bianca remonta chez son amant, lui raconta ce qui venait d’arriver, lui demanda s’il était prêt à tout sacrifier pour elle comme elle tout pour lui, et lui proposa de profiter des deux heures de nuit qui leur restaient pour quitter Venise et se mettre à l’abri des poursuites de ses parens. Pietro Bonaventuri accepta. Les deux jeunes gens sautèrent dans une gondole et se rendirent chez le gardien du port. Là, Pietro Bonaventuri se fit reconnaître, et dit qu’une affaire importante pour la banque des Salviati le forçait à partir à l’instant même de Venise pour Rimini. Le gardien donna’ordre de laisser tomber la chaîne, et les fugitifs passèrent ; seulement, au lieu de prendre la route de Rimini, ils prirent en toute hâte celle de Ferrare.

On devine l’effet que produisit dans le noble palais Capello la fuite de Bianca. Pendant un jour tout entier on attendit sans faire aucune recherche ; on espérait toujours que la jeune fille allait revenir ; mais la journée s’écoula sans apporter de nouvelles de la fugitive. Il fallut donc s’informer ; on apprit la fuite de Pietro Bonaventuri. On rapprocha mille faits qui avaient passé sans être aperçus, et qui maintenant se représentaient dans toute leur importance. Le résultat de ce rapprochement fut la conviction que les deux jeunes gens étaient partis ensemble.

La femme de Capello, belle-mère de Bianca, était sœur du patriarche d’Aquilée ; elle intéressa son frère à sa vengeance. Le patriarche était tout puissant ; il se présenta au conseil des Dix avec son beau-frère, déclara la noblesse tout entière insultée en leurs noms, et demanda que Pietro Bonaventuri fût mis au ban de la république, comme coupable de rapt. Cette première demande accordée, il exigea que Jean Baptiste Bonaventuri, oncle de Pierre, qu’il soupçonnait d’avoir prêté les mains à cette évasion, fût arrêté. Cette seconde