Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/127

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dragone, qui avait été placé près de lui par son père, et dont il avait fait son complaisant ; il lui posa la main sur l’épaule, le regarda en face, et lui dit :

— Mondragone, il y a sur la place Saint-Marc, au second, dans la maison qui fait le coin entre la place de Santa-Croce et la via Larga, une jeune fille que je n’ai pas reconnue pour être de Florence : elle est belle, elle me plaît ; d’ici à huit jours il me faut une entrevue avec elle.

Mondragone savait qu’il y a certaines circonstances où la première qualité d’un courtisan est d’être laconique.

— Vous l’aurez, monseigneur, répondit-il.

Et il alla trouver sa femme, et lui raconta tout joyeux l’honneur que venait de lui faire le prince en le choisissant pour son confident. La Mondragone était savante en ces sortes d’intrigues ; elle dit à son mari de continuer son service auprès du prince, et qu’elle se chargeait de tout. Le même jour, elle alla aux informations, et apprit que l’étage qu’elle désignait était habité par deux ménages, l’un jeune, l’autre vieux ; que la vieille femme sortait tous les matins pour aller à la provision ; que les deux hommes sortaient tous les soirs pour aller reporter les copies qu’ils avaient faites dans la journée, mais que, quant à la jeune femme, elle ne sortait jamais.

La Mondragone résolut d’aller chercher la jeune fille jusque dans la maison, puisqu’on lui disait qu’il était impossible de l’attirer dehors.

Le lendemain, la Mondragone s’embusqua dans sa voiture, à vingt cinq ou trente pas de la porte, puis, quand la vieille sortit comme d’habitude, elle ordonna à son cocher de partir au galop et de s’arranger de manière, au tournant de la rue, à accrocher cette femme tout en lui faisant le moins de mal possible. Ce n’était peut-être pas le moyen le moins dangereux, mais c’était le plus court. Il faut bien que les petits risquent quelque chose quand ils ont l’honneur d’avoir affaire aux grands.

Le cocher était un homme fort adroit ; il culbuta la bonne femme sans lui faire autre chose que deux ou trois contusions. La bonne femme jeta les hauts cris, mais la Mandragone sauta à bas de sa voiture, calma la populace, en disant