Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/249

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Le lendemain, Éléonore apprit de la bouche même de son beau-frère l’exécution de son amant.

Elle le pleurait depuis onze jours, tremblante pour elle-même, lorsqu’elle reçut, le 10 juillet, l’ordre de se rendre au palais de Caffaggiolo, que depuis plusieurs mois son mari habitait. Dès lors, elle se douta que tout était fini pour elle, mais elle ne se résolut pas moins d’obéir, car elle ne savait ni où, ni de qui obtenir un refuge. Elle demanda un délai jusqu’au lendemain, voilà tout ; puis elle alla s’asseoir près du berceau de son fils Cosme, et passa la nuit à pleurer et à soupirer, couchée sur son enfant.

Les préparatifs du départ occupèrent une partie de la journée, de sorte qu’Éléonore ne sortit de Florence que vers les trois heures de l’après-midi ; et encore comme instinctivement à chaque minute elle retenait les chevaux, n’arriva-t-elle qu’à la nuit tombante à Caffaggiolo. À son grand étonnement, la maison semblait déserte.

Le cocher détela les chevaux, et tandis que les valets et les femmes qui l’avaient accompagnée enlevaient les paquets de la voiture, Éléonore de Tolède entra seule dans la belle villa, qui, privée de toute lumière, lui semblait, à cette heure, triste et sombre comme un tombeau. Alors elle monta l’escalier, légère et silencieuse comme une ombre, et frissonnante de terreur elle s’avança, toutes portes étant ouvertes devant elle, vers sa chambre à coucher ; mais au moment où elle posait le pied sur le seuil, elle vit de derrière la portière sortir un bras et un poignard, en même temps elle se sentit frappée, poussa un cri et tomba. Elle était morte ! Don Pierre, ne s’en rapportant à personne du soin de sa vengeance, l’avait assassinée lui-même.

Alors, la voyant étendue dans son sang et immobile, il vint regarder attentivement celle qu’il avait frappée. Éléonore était déjà expirée, tant le coup avait été donné d’une main sûre et habile. Don Pierre se mit à genoux près du cadavre, leva ses mains sanglantes au ciel, demanda pardon à Dieu du crime qu’il venait de commettre, et jura, en expiation de ce crime, de ne jamais se remarier. Étrange serment, que, si l’on en croit les bruits scandaleux de l’époque, sa