Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’on venait de tous les points de l’Italie pour l’admirer. Ces trois figures qui, au reste, sont d’une grande beauté, tant par l’expression des physionomies que par le modelé des chairs, n’eurent pas le bonheur de plaire à tout le monde, Un seigneur, entre autres, qui était parti de la rue du Corso, à cheval, pour le venir voir, et qui était resté cinq jours en route, s’en approcha, toujours à cheval, s’arrêta un instant, et, sans descendre de sa monture : — Voilà donc, dit-il, la chose dont on fait tant de bruit. Puis, haussant les épaules, il remit son cheval au galop et reprit le chemin de Rome.

Nous conseillons à ceux qui voudraient suivre l’exemple du curieux Romain de descendre de cheval, et de regarder de près le petit bas-relief du piédestal représentant l’enlèvement des Sabines.

En face du Palais-Vieux, attenant à la poste aux lettres, est une avance en bois, qu’on appelle le toit des Pisans, et qui n’a rien de remarquable que la circonstance qui lui a fait donner son nom.

On sait les longues guerres et la haine éternelle des deux républiques. Pise fut en petit à Florence ce que Rome fut à Carthage, et Florence, comme Rome, n’eut pas de repos que Pise ne fût, sinon détruite, du moins soumise. Une des victoires qui concoururent à cette soumission fut celle de Cascina, qui fut remportée par Galiotto, à six milles de Pise, et probablement à l’endroit même où est aujourd’hui la métairie du grand-duc. Les Pisans perdirent dans cette journée, qui fut celle du 28 juillet 1364, mille hommes tués et deux mille prisonniers. Ces deux mille prisonniers furent amenés à Florence sur quarante-deux charrettes, et ils entrèrent par la porte San-Friano, où on les arrêta pour leur faire payer la gabelle, et où ils furent taxés à dix-huit sous par personne, prix qu’on avait l’habitude de payer par chaque tête de bétail ; puis on les conduisit, trompettes sonnantes, place de la Seigneurie, où on les fit descendre de voiture, et où on les força de défiler, un à un, derrière Marsocco, et de lui baiser le derrière en passant. Deux de ces malheureux virent un déshonneur si grand dans ces nouvelles fourches caudines, qu’ils s’étranglèrent avec leurs chaînes. Enfin, les