Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/52

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patron, et qui avaient fini par l’appeler capitaine ; ce titre lui avait paru faire bien en tête de son nom, et il l’avait gardé. Depuis ce temps, en conséquence, on l’appelait le capitaine Langlet.

À la seconde poste, nous connaissions les opinions politiques et religieuses du capitaine : en politique il était bonapartiste, en religion il était voltairien. La conversation tomba sur le frère Jean-Baptiste ; le capitaine en profita pour nous exprimer tout son mépris pour les calotins ; il nous cita à ce sujet deux articles excellens du Constitutionnel contre le parti prêtre.

Nous descendîmes pour dîner à Cornoulles. Comme c’était un vendredi, l’hôte nous demanda si nous voulions faire maigre. — Est-ce que vous me prenez pour un jésuite ? lui répondit d’un ton foudroyant le capitaine ; faites-moi de bonnes grillades, et une omelette au lard.

Quant à nous, nous répondîmes que s’il y avait du poisson frais, nous mangerions du poisson. Le jeune homme, interrogé à son tour, répondit d’un ton très-doux et en rougissant jusqu’aux oreilles : — Je ferai comme ces messieurs.

Le capilaine Langlet nous regarda avec un mépris encyclopédique, et quand on lui apporta son omelette, il se plaignit qu’il n’y avait pas assez de lard.

Nous remontâmes en voiture, et comme nous devions coucher le soir à Fréjus, la conversation tomba sur le débarquement de Napoléon. Le capitaine Langlet y avait assisté de son navire.

— Alors, lui dit Jadin, il n’y a pas besoin de vous demander, avec les opinions que je vous connais, si vous vous réunîtes au grand homme.

— Peste ! monsieur, répondit le capitaine Langlet, je n’eus garde d’abord ; à cette époque, monsieur, je lui en voulais encore un peu à ce sublime empereur, d’avoir rétabli les églises au lieu d’en faire d’excellens magasins à fourrages. Non point, monsieur, au contraire, je fis voile pour Antibes, et j’annonçai la grande nouvelle au commandant de place, le général Cossin ; je lui dis même que je croyais qu’une petite troupe d’une vingtaine d’hommes s’a-