Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/589

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nous amenait.

— Et vous avez agi prudemment ; vous lui eussiez redonné un accès. Allons chez M. de Beaufort.

Et les deux amis s’acheminèrent vers l’hôtel de Vendôme… Dix heures sonnaient comme ils y arrivaient.

L’hôtel de Vendôme était non moins bien gardé et présentait un aspect non moins belliqueux que celui de Bouillon. Il y avait sentinelles, poste dans la cour, armes en faisceaux, chevaux tout sellés aux anneaux. Deux cavaliers, sortant comme Athos et Aramis entraient, furent obligés de faire faire un pas en arrière à leurs montures pour laisser passer ceux-ci.

— Ah ! ah ! messieurs, dit Aramis, c’est décidément la nuit aux rencontres, j’avoue que nous serions bien malheureux, après nous être si souvent rencontrés ce soir, si nous allions ne point parvenir à nous rencontrer demain.

— Oh ! quant à cela, Monsieur, répondit Châtillon, car c’était lui-même qui sortait avec Flamarens de chez le duc de Beaufort, vous pouvez être tranquille ; si nous nous rencontrons la nuit sans nous chercher, à plus forte raison nous rencontrerons-nous le jour en nous cherchant.

— Je l’espère, monsieur, dit Aramis.

— Et moi, j’en suis sûr, dit le duc.

MM. de Flamarens et de Châtillon continuèrent leur chemin, et Athos et Aramis mirent pied à terre.

À peine avaient-ils passé la bride de leurs chevaux aux bras de leurs laquais et s’étaient-ils débarrassés de leurs manteaux, qu’un homme s’approcha d’eux, et après les avoir regardés un instant à la douteuse clarté d’une lanterne suspendue au milieu de la cour, poussa un cri de surprise et vint se jeter dans leurs bras.

— Comte de la Fère ! s’écria cet homme ; chevalier d’Herblay ! comment êtes-vous ici, à Paris ?

— Rochefort ! dirent ensemble les deux amis.

— Oui, sans doute. Nous sommes arrivés, Beaufort et moi, comme vous l’avez su, du Vendômois, il y a quatre ou cinq jours, et nous nous apprêtons à donner de la besogne au Mazarin. Vous êtes toujours des nôtres, je présume ?

— Plus que jamais. Et le duc ?

— Il est enragé contre le cardinal. Vous savez ses succès, à notre cher duc ? c’est le véritable roi de Paris ; il ne peut pas sortir sans risquer qu’on l’étouffe.

— Ah ! tant mieux, dit Aramis ; mais dites-moi, n’est-ce pas MM. de Flamarens et de Châtillon qui sortent d’ici ?

— Oui, ils viennent d’avoir audience du duc ; ils venaient de la part du Mazarin sans doute, mais ils auront trouvé à qui parler, je vous en réponds.

— À la bonne heure ! dit Athos. Et ne pourrait-on avoir l’honneur de voir Son Altesse ?

— Comment donc ! à l’instant même. Vous savez que pour vous elle est toujours visible. Suivez-moi, je réclame l’honneur de vous présenter.

Rochefort marcha devant. Toutes les portes s’ouvrirent devant lui et devant les deux amis. Ils trouvèrent M. de Beaufort près de se mettre à table. Les mille occupations de la soirée avaient retardé son souper jusqu’à ce moment-là ; mais, malgré la gravité de la circonstance, le prince n’eut pas plus tôt entendu les deux noms que lui annonçait Rochefort, qu’il se leva de sa chaise, qu’il était en train d’approcher de la table, et que s’avançant vivement au-devant des deux amis :

— Ah ! pardieu, dit-il, soyez les bienvenus, messieurs. Vous venez prendre votre part de mon souper, n’est-ce pas ? Boisjoli, prévenez Noirmont que j’ai