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CHAPITRE VIII.

DES INFLUENCES DIFFÉRENTES QUE PEUT AVOIR UNE DEMI-PISTOLE SUR UN BEDEAU ET SUR UN ENFANT DE CHŒUR.


lettrine D’Artagnan prit le Pont-Neuf en se félicitant d’avoir retrouvé Planchet ; car tout en ayant l’air de rendre un service au digne garçon, c’était dans la réalité d’Artagnan qui en recevait un de Planchet. Rien ne pouvait, en effet, lui être plus agréable en ce moment qu’un laquais brave et intelligent. Il est vrai que Planchet, selon toute probabilité, ne devait pas rester longtemps à son service, mais en reprenant sa position sociale rue des Lombards, Planchet demeurait l’obligé de d’Artagnan, qui lui avait, en le cachant chez lui, sauvé la vie ou à peu près ; et d’Artagnan n’était pas fâché d’avoir des relations dans la bourgeoisie, au moment où celle-ci s’apprêtait à faire la guerre à la cour. C’était une intelligence dans le camp ennemi, et, pour un homme aussi fin que l’était d’Artagnan, les plus petites choses pouvaient mener aux grandes.

C’était donc dans cette disposition d’esprit assez satisfaite du hasard et de lui-même que d’Artagnan atteignit Notre-Dame. Il monta le perron, entra dans l’église, et, s’adressant à un sacristain qui balayait une chapelle, il lui demanda s’il ne connaissait pas M. Bazin.

— M. Bazin le bedeau ? dit le sacristain. — Lui-même. — Le voilà qui sert la messe là-bas, à la chapelle de la Vierge.

D’Artagnan tressaillit de joie ; il lui semblait que, quoique lui en eût dit Planchet, il ne retrouverait jamais Bazin ; mais maintenant qu’il tenait un bout du fil, il répondait bien d’arriver à l’autre bout.

Il alla s’agenouiller en face de la chapelle pour ne pas perdre son homme de vue. C’était heureusement une messe basse et qui devait finir promptement. D’Artagnan, qui avait oublié ses prières et qui avait négligé de prendre un livre de messe, utilisa ses loisirs en examinant Bazin.