Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/178

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là-bas, dont les ardoises luisaient. Plus loin, des cimes d’arbres dont les feuilles polies faisaient un buisson de lueurs tremblantes. Plus loin, encore, deux pans noirs incisés par une coupure grise : une route encaissée entre deux haies de tilleuls. À mesure que son regard plongeait à l’horizon, Jean saisissait de nouveaux repères. Cela illimitait la dimension sagittale bien mieux que le plein jour.

Il s’accouda à une pierre haute. À ses pieds un tapis herbeux descendait vers l’eau lourde et huileuse. Le silence était complet. Derrière le jeune homme, la ville s’endormait dans les lacs lumineux de ses réverbères. Sur la rive, en face, une légère vapeur flottait. Un clapotis infinitésimal dessinait son arabesque légère sur la mutité universelle. Partout les arbres faisaient des taches noires et déchiquetées. Au sud, les prairies, fort loin étendues, formaient une lente déclivité, jusqu’à certaine colline presque transparente, au sommet de laquelle on percevait, fondues dans la liquide lumière, les dernières tourelles subsistantes d’un antique château-fort.

Pas une touffe de vent ne frôlait le front de l’adolescent. Combien de nuits pareilles ont été transmises par les poètes anciens en termes saisissants et harmonieux. Il articula le début d’un vers de Virgile : Nox erat