Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/183

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sible, et contenait à la fois une victoire et un irrésistible abandon.

L’homme dit :

— Oui.

Un silence suivit, puis la femme reprit d’une voix pâmée :

— Quelle belle nuit. Elle est faite pour nous. Je me sens d’accord avec des choses souveraines qui planent partout.

— Peut-être !

— Je voudrais qu’il y eût d’autres amoureux que nous pour la goûter comme je fais. Le bonheur égoïste est triste.

L’homme dit durement :

— Peu d’êtres sont faits pour le bonheur. C’est une grâce et une prédestination.

— Tant pis ! dit la femme.

Jean s’éloigna avec lenteur et prudence. Cette félicité l’irritait maintenant. Il se vit triste à nouveau. Ainsi, tous les hommes croient être seuls à penser, et beaucoup seuls à jouir. Ils tirent donc orgueil du sentiment fallacieux d’apparaître exceptionnels. Pure ignorance… En fait ils se suivent comme sautaient à la mer les moutons de Panurge. Toutefois ils entourent leurs actes d’un tel mystère que l’illusion persiste en eux. Peut-être, même en ce moment, la moitié de la cité courait-elle le guilledou ou se vautrait-elle en amour parmi