Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/209

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— Si encore on savait ce que c’est : « le bonheur »,

— Comme vous êtes triste, Jean. Et dire que j’en suis cause. Eh ! je ferais mieux d’aller me jeter à la rivière. Au moins j’éviterais de connaître les nouvelles misères qui m’attendent !

Jean glisse sur cette pente et il la rassure :

— Lucienne, vous êtes jolie, spirituelle et libre. La vie s’ouvre devant vous qui avez tout ce qu’il faut pour y réussir. Comment parler de mourir ?

Elle répond, la voix âcre :

— J’ai tout sauf le nécessaire. Je suis à charge à tout le monde.

Elle veut risquer une attaque de sauvegarde, habilement.

— Qui sait si vous n’êtes pas venu ce soir, avec cet air tragique, me dire de m’en aller ?

Elle ne croyait pas à cette imagination, mais obéissait au désir féminin d’être plainte et de s’entendre faire de nouvelles promesses. Toutefois la phrase jetée avec un air attristé frappa Jean et l’emplit d’une compassion douloureuse. D’avoir conçu le renvoi de sa cousine il se tint aussitôt pour criminel. C’était un adolescent que dominaient la confiance en ses sentiments et la foi dans la logique du cœur. Un brusque renversement modifia donc d’un coup l’équilibre de cet esprit, auquel d’ailleurs