Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/230

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et lui démontra la nécessité de regagner la ville. Comme, à ce moment-là, il se sentait subitement ardent et désireux de renouveler sa douce et chère pâmoison, elle lui promit :

— Ce soir ! ce soir !…

Il ne sut résister, se laissa mener jusqu’à la porte et partit. Il ruminait au long des chemins cet amour qui brûlait tout son passé comme un incendie détruit un immeuble cacochyme. Mais il allait reconstruire à la place une vie admirable. Bachelier, licencié en droit, avocat… Qu’est-ce que tout cela lui faisait maintenant ? Il se sentait, comme simple amoureux, du courage à faire trembler le monde. Il serait tout ce qu’il lui plairait d’être. Un homme d’énergie ne devait jamais manquer de réussir. Il ne voulait plus étudier, pour ne pas humilier Lucienne. Elle était sans culture et lui ne pousserait pas l’indélicatesse jusqu’à augmenter encore le fossé qui les séparait. Pour s’encourager à prendre l’argent dans le coffre de son père, Jean pensait que M. Dué pût se rembourser avec les fonds de l’héritage que son fils devait toucher à sa majorité. Il n’avait donc plus de raisons morales pour s’interdire cet acte, qui, la veille, lui aurait procuré, rien qu’à l’imaginer, une insurmontable horreur.

Dans son esprit désaxé passaient encore pêle-mêle un flot de rêves romanesques et de