Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/38

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Il se releva et se sauva éperdument, mais non pas sans avoir dit à l’oreille de Lucienne :

— Salope, tu peux dire adieu au mariage ! Je te laisserai crever de faim. Mais pas sans te retrouver ailleurs et te flanquer la tournée que tu mérites.

Elle resta seule, tremblante et affolée, dans la rue sombre et redevenue silencieuse. Enfin, le cœur battant, elle revint chez ses parents.

Lucienne Dué était une jeune fille très intelligente, mais elle ignorait bien des choses de la vie. Il ne lui était pas venu à l’esprit que son père et sa mère voulussent tout bonnement se débarrasser d’elle et même la vendre en quelque façon au forgeron qui « avait besoin d’une femme ».

Elle espérait donc un appui près des siens, contre le brutal et, sitôt rentrée, exposa aussitôt ce qui venait d’arriver. Alors les portes de l’enfer s’ouvrirent.

D’un bond, sa mère se jetait sur elle pour lui appliquer un soufflet. Le père, avachi, lui criait toutes les insultes de son répertoire ouvrier. Lucienne, que honnissait sa famille parce qu’elle n’avait voulu se donner dans la rue à son oncle et futur époux, connut cette fois la misère de vivre.

Elle reculait, blanche de désespoir, retenant d’une main son corsage déchiré. De grosses