Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/65

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fut donc prise en défaut et se déchira toute, comme une maille lâchée fait une longue blessure le long d’un bas de soie.

Elle sentit le triomphe :

— Jean, voilà la vérité, vous n’oubliez pas de penser que vous êtes un Dué riche et que je suis une Dué pauvre. Alors vous ne voudriez pas parler à une pauvresse comme à vos cousines des grandes familles.

Il interrompit, coléreusement :

— Lucienne, vous voilà injuste. Vous êtes devant moi comme un être infiniment précieux, dont j’ignore même s’il est de mon sang. Je ne sais qu’une seule chose : vous êtes là. Vous êtes seule avec moi et je puis vous admirer sans avoir à en rendre compte à la galerie. C’est d’ailleurs ce qui me gêne. Soyez assurée que dehors, sous cent yeux, je ne serais pas si emprunté que je puis vous sembler. Je passe pour avoir une conversation brillante. Je tiens tête à mes professeurs et ne suis plus un enfant. Mais nous sommes face à face et je n’ai que ma sincérité à offrir. Eh bien, Lucienne, cette sincérité-là c’est une chose que je n’ai pas beaucoup l’habitude de manier. Et je reste stupide à vos yeux, parce que je voudrais parler comme un jeune homme ému, parce que je suis ému, mais mon désir de paroles vraies ne trouve plus ses mots.