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VI

LES TÊTES COUPÉES


Elle dit « regarde » puis me fixa avec une insolente dureté de fille parisienne menant une auto et qui manque vous écraser. Je ne cillai point, glacial comme un bouddha de bronze. Cependant elle se penchait vers une sorte de petit meuble bas, laqué de pourpre, avec des portes dorées, l’ouvrit, en tira quelque chose et me le tendit. J’eus, malgré ma volonté de rester secret et sans émotion visible, un geste de répugnance horrifiée.

C’était une tête d’homme, parfaitement coupée et embaumée avec art. La peau avait gardé son lustre et les lèvres leur turgidité. Seuls les yeux étaient à la fois atones et vides. Je remarquai, pendues aux cils, des gouttes liquides et l’étonnement me fit pencher pour les mieux voir.