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KASCHMIR, JARDIN DU BONHEUR

La femme eut un rire léger et dit :

— Il pleurait. J’ai voulu que l’on imitât aussi ses dernières larmes.

La stupeur me cloua la langue. Je regardais encore la tête tronçonnée reposant entre la femme et moi. Mais la voix harmonieuse et calme reprit :

— C’est le jour où je t’ai vu. Je ne songeais plus qu’à toi. Pour que tu vinsses à m’aimer je l’ai sacrifié. Le sacrifice est un gage de bonheur…

Une glace me parcourut les vertèbres. Mais j’entendais encore :

— Il t’a vu aussi avant de tendre le cou à l’acier et il connut, je pense, que ma joie méritait sa mort. C’est mon corps qu’il a pleuré lorsque j’ai voulu, à sa place, t’en réserver l’hommage.

Je contemplais toujours l’étrange relique. Ç’avait été un homme de trente ans, de race arabe sans doute ou persane. Ce débris gardait quelque charme de ce qui