Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/136

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possibles, qui faisait rire les nègres aussi bien que les Sarrasins.

Car il y avait des Sarrasins. Ils avaient même conquis depuis peu une partie de la Provence. Mais ces hommes étranges disparaissaient et revenaient sans qu’on sût comment. Ils semblaient fiers et froids, avec des nez crochus, des barbes rares et annelées. Leurs tuniques étaient immaculées ou bien ils allaient en guenilles, mais la hauteur ne quittait point les plus gueux. Sans regarder personne, ils avançaient d’un air autoritaire, chaussés de sandales, et d’un pas souple de fauves.

On disait que certains vinssent d’un pays, au delà de la mer, où l’on marche sur des chameaux pendant des semaines entières sans rencontrer une goutte d’eau, une maison ou un passant. Et pourtant on y vivait, on y faisait du négoce.

Ioanna devint amie d’un Sarrasin qu’elle défendit un jour contre un soldat franc, furieux et saoul, qui prétendait s’approprier le poignard d’argent que l’autre portait à la ceinture. Elle aurait voulu quitter Marseille et s’en aller par mer en Grèce ou à Byzance, pensant, là-bas, être enfin à l’abri des moines de Fulda.

Car elle en avait revu deux autres, accompagnant des soldats du roi Lothaire, et craignait de retomber sous leur pouvoir.