Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

développés en elle. Certes, au moment où la mystique possédait cette âme ardente et insatisfaite, une puissante horreur lui serait venue de l’existence prostituée qu’elle devait mener si on la lui avait révélée.

Mais ce qui fait honte, lorsqu’on l’imagine, perd, quand on l’a devant soi, beaucoup de ses épouvantements. L’Amour certes est pour un chrétien chose abominable, surtout lorsque ni le mariage ni le remords ne viennent le racheter.

Seulement, au fond, cela n’apparaît guère que fadaises de casuistes… lorsqu’on sort d’une étreinte, et qu’on constate sa propre indifférence, le peu de soi qu’on accorda, et la vanité de cet acte pareil à ces contacts de politesse oubliés à peine accomplis, on trouve que les chrétiens exagèrent.

Ioanna ne se jugeait point de pureté moindre que quiconque pour avoir vécu comme elle l’avait fait, en des circonstances dont elle n’était pas maîtresse.

Et voilà pourquoi, lorsque le bateau de Phormios quitta Alexandrie, la jeune fille ne fut ni étonnée ni indignée que le Grec voulut la voir de plus près et avec un minimum de vêtures… Elle accepta qu’il prétendît connaître si elle était aussi belle à aimer qu’à admirer et l’homme fut heureux.

On alla ainsi d’île en île sur cette mer glauque et saphirine. Ioanna regardait, sans