Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

férino, on n’eût pas laissé, le 24 juin, pendant de longues heures, dans des angoisses poignantes et dans la crainte si amère de l’abandon, ce pauvre bersaglier, ce uhlan ou ce zouave qui, cherchant à se soulever malgré ses atroces douleurs, faisait inutilement signe de loin, avec la main, pour qu’on dirigeât une civière de son côté. Enfin, on n’eût pas encouru l’horrible chance d’enterrer, le lendemain, comme cela n’est que trop probablement arrivé, des vivants avec des morts !

Si l’on avait possédé pour les blessés des moyens de transport mieux perfectionnés que ceux qui existent maintenant[1], on eût épargné à ce voltigeur de la garde cette douloureuse amputation qu’il dut subir à Brescia, et qui fut nécessitée par un manque déplorable de soins pendant le trajet depuis l’ambulance volante de son régiment jusqu’à Castiglione ; et s’il n’est pas mort des suites d’une opération à laquelle beaucoup de soldats ont succombé, il ne faut l’attribuer qu’à sa constitution aussi saine que robuste.

  1. En évitant, par de meilleurs moyens de transport, les accidents si fréquents pendant le trajet depuis le champ de bataille à l’ambulance, on diminuera le nombre des amputations, ce qui est, certes, déjà bien quelque chose au point de vue de l’humanité ; ensuite, en diminuant le nombre des amputés, on amoindrira les charges qui incombent à un gouvernement qui doit pensionner les invalides.

    Plusieurs médecins, dans ces derniers temps, ont fait de la question spéciale du transport des blessés un sujet d’études particulières : ainsi, M. le docteur Appia a imaginé un appareil aussi simple que souple et léger, qui amortit les secousses et qui est fort utile dans les cas de fractures de membres ; et M. le docteur Martrès a porté heureusement aussi son attention sur cette question, bien digne de préoccuper les sociétés que nous désirons voir se constituer.