Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/39

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grade de chef de bataillon. C’est là que le brave sous-lieutenant Fournier, des voltigeurs de la garde, gravement blessé le jour précédent, termine à vingt ans sa carrière militaire : engagé volontaire à dix ans, caporal à onze, sous-lieutenant à seize, il avait fait déjà deux campagnes en Afrique, et la guerre de Crimée où il avait été blessé au siége de Sébastopol[1]. C’est aussi à Solférino que devait s’éteindre l’un des noms glorieux du premier empire français dans la personne du lieutenant-colonel Junot, duc d’Abrantès, chef d’état-major de l’ancien commandant militaire de Constantinople, le vaillant général de Failly.

Le manque d’eau se fait de plus en plus sentir, les fossés sont desséchés, les soldats n’ont pour la plupart qu’une boisson malsaine et saumâtre pour apaiser leur soif, et sur presque tous les points où l’on trouve une fontaine, des factionnaires, l’arme chargée, en gardent l’eau pour les malades ; près de Cavriana un marécage devenu infect, abreuve pendant deux jours vingt mille chevaux d’artillerie et de cavalerie. Ceux de ces animaux qui sont blessés, qui ont perdu leurs cavaliers et ont erré toute la nuit, se traînent vers des groupes de leurs cama-

  1. Le sous-lieutenant Jean François Fournier, né à Metz le 6 février 1839, s’était engagé, comme volontaire, dans la légion étrangère le 4 juin 1849, et avait passé en Algérie ; il fut nommé caporal le 6 avril 1850, sergent le 1er avril 1851, sergent-fourrier le 11 juillet 1852, et sergent-major en 1854 ; il avait fait la campagne de Crimée dans les années 1855 et 1856 comme adjudant, et avait été nommé, le 20 novembre 1855, sous-lieutenant au 42e de ligne d’où il avait passé avec ce grade, le 13 octobre 1856, au 2e régiment des voltigeurs de la garde impériale. Blessé à mort le 24 juin 1859, il succomba le 25.