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PIERRE ET AMÉLIE.

Après avoir minutieusement examiné cette demeure de la paix et des souvenirs, j’allai m’asseoir avec mon vieil hôte, hors de la cabane, sous les rameaux jaunis d’un vieux sapin. L’orbe agrandi du soleil s’enfonçait sous un horizon pourpré, ses derniers rayons teignaient des vives couleurs du carmin le bord des nuages suspendus immobiles aux portes du couchant ; l’ombre calme de la nuit s’étendait sur les champs ; le laboureur laissant ses travaux, entrait sous son toit, unissant ses derniers chants aux bêlements de son troupeau qu’il conduisait à l’étable. Le murmure lointain des eaux, les soupirs de la brise du soir dans les branches de l’arbre sous lequel nous étions assis, les tintements graves et religieux de la cloche du hameau, les aboiements lents ou précipités des chiens, répétés par les échos prolongés du vallon, formaient les derniers bruits du jour mourant. La lune glissa lentement dans la voûte bleu du ciel, où scintillaient des millions d’étoiles, et sa clarté craintive et rêveuse illumina la colline et le vallon, où se dessinait gigantesque l’ombre mouvante des arbres.

Alors, le vieillard, surexcité par les beautés inappréciables autant qu’indescriptibles d’une belle nuit, me fit la narration suivante, qu’il commença ainsi :


II


En 1632, un jeune homme, d’une pauvre mais honnête famille de Québec, nommé Léopold, vint s’établir au milieu de ce vallon encore vierge de culture, sans