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PIERRE ET AMÉLIE.

À la vue des tableaux riants de la nature, si on y ajoute cet air pur qui s’élève comme un baume du sein des champs et du feuillage odorant des vallons, je me sentis un tout autre homme. Quelle douce métamorphose ! Oh ! que j’aime à fuir les clameurs bruyantes de la ville, pour aller m’asseoir sous le vieux chêne touffu de la ferme, au milieu d’une pauvre mais honnête famille de laboureurs ! Ici, règnent la paix et la joie innocente du cœur ; ici, n’ont jamais paru sous leurs formes hideuses, l’ignoble jalousie, l’intrigue rampante et l’égoïsme qui pullulent chez les riches et les grands du monde.

Que j’aime à jouir de l’entretien franc et naïf de ces gens de la nature ; si je veux m’instruire, j’interroge un vieillard il me raconte ses aventures ; ses cheveux argentés ne couvrent sa tête qu’à demi ; il a vécu sous le chaume, il ne veut ni ne peut feindre ; il parle avec cette franchise, cette droiture de cœur qui n’entre jamais dans les propos factices de l’homme corrompu de la société ; il m’intéresse, il m’attendrit même. Sa vieille épouse, qui file en fredonnant la complainte de ses aïeux, jette ses yeux sur nous pour les reporter ensuite sur une madone collée par quatre épingles à l’un des murs de l’appartement désert ; c’est que cette image lui a été propice depuis le début du songe de sa vie. Ceux là seuls sont heureux qui ne connaissent que Dieu, et qui croient qu’il n’y a pas d’autre monde au delà de leur paroisse.

Cependant, j’arrivai au pied d’une colline dont l’aspect pittoresque avait attiré mes regards, qui y demeuraient attachés ; de jeunes sapins en couvraient la cime, d’où s’élevaient bizarrement quelques rochers enveloppés