Page:Durand de Mende - Rational, vol 1, traduction Barthelemy, 1854.djvu/214

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Le chantre représente Dieu par ses mœurs, quand il charme le peuple par les sons de sa voix. [Saint] Augustin, au livre de ses Confessions, dit : « Lorsque le chant me touche plus que la chose que l’on chante, j’avoue que j’ai péché d’une manière digne de punition, parce qu’alors j’ai écouté chanter seulement. » C’est pourquoi, dans l’Église romaine, les ministres de l’autel ne doivent pas chanter, et s’acquittent seulement de la charge de lire l’évangile pendant la célébration solennelle de la messe (la grand’messe). Et l’Apôtre dit : « Chantez et psalmodiez dans vos cœurs devant le Seigneur. » Et [saint] Jérôme : « Que les jeunes gens (dit-il) n’écoutent pas chanter, mais seulement ceux qui ont charge de chanter dans l’église, car on doit chanter pour Dieu, non pas autant avec la voix qu’avec le cœur surtout. Et l’on ne doit pas garnir sa bouche de lames d’airain, afin de donner, à l’exemple des acteurs de tragédies, plus de force à son gosier et à sa langue, en sorte que la douceur du chant ne transporte pas dans l’église les modulations du théâtre et les symphonies profanes. » Chantons donc de cœur et par la charité, chantons en chœur (in corde… in choro), car il faut plus chanter de la dévotion du cœur [devotione] que de l’éclat de la voix, et sans tenir dans les mains des cymbales ou quelque autre instrument de ce genre, comme cela se faisait dans l’Ancien-Testament.

IV. Au reste, c’est pour captiver les sens et non l’esprit que l’usage de chanter a été établi dans l’Église, afin que ceux qui ne sont pas touchés de componction par les paroles soient émus par la douceur de la mélodie. Ce qui a fait dire à [saint] Augustin, au livre de ses Confessions : « L’Église approuve l’usage du chant, afin que, par le charme qu’éprouveront les oreilles, l’esprit plus faible s’élève jusqu’à l’affection et à la pratique de la piété. » Les anciens, la veille du jour où ils devaient chanter, s’abstenaient de toute nourriture pour conserver leur voix pure, ne mangeant alors que les légumes propres aux personnes qui chantent. C’est de là que les chantres