Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/284

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c’est un moindre mal d’être suspecté de crime que de commettre le crime, et que de deux maux, quand l’un des deux est imminent, il faut choisir le moindre (xiii dist., Duo, etc.), il paraît convenable que le prêtre discret refuse l’eucharistie au criminel, en tant qu’il s’expose à un mal moindre pour en éviter un plus grand, c’est-à-dire en faisant planer le soupçon pour empêcher qu’on ne mange indignement, ou en le rendant suspect pour l’empêcher de manger indignement. Sans doute, comme le prêtre ne doit point commettre un seul péché mortel de peur que notre prochain n’en commette un autre mortel, le prêtre doit plutôt ne pas démasquer le pécheur que de l’empêcher de pécher ; mais il vaut mieux qu’il le rende suspect en l’éloignant, que de le laisser manger indignement en lui donnant la communion (xiv d., c. i).

XXXVIII. Mais on demande si le Christ donna l’eucharistie à Judas pour son bien ou pour son malheur ? Et, à la vérité, il ne paraît pas la lui avoir donnée pour son bien, pour ne pas être trompé dans son intention, lui qui, selon le Prophète, a fait tout ce qu’il a voulu : car Judas ne la prit pas pour son bien, mais pour son mal ; mais il ne paraît pas que Jésus-Christ la lui ait donnée pour son mal, parce que le Christ n’est pas l’auteur, mais le vengeur du mal. On répond que si cette préposition ad y lorsqu’il est dit : dedit ad malum, dénote l’intention ou l’effet, la proposition est fausse ; mais si elle marque la conséquence ou l’effet, elle est vraie. C’est sans doute parce que Jésus-Christ présenta à Judas une bouchée trempée, qu’il a été établi par l’Église que l’eucharistie ne serait pas trempée (intincta (18) De consec., dist. ii, Cum omne). On ne doit pas entendre que le Christ ait donné à celui qui le livra l’eucharistie dans une bouchée trempée ; mais que, par la bouchée trempée, il voulut désigner celui qui le trahissait.

XXXIX. Suivent ces mots : Accipite et manducate, « Prenez et mangez. » Qui jamais croirait que le pain eût pu être changé en chair et le vin en sang, si le Sauveur lui-même ne l’eût dit,