Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/285

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lui qui a tiré le pain, le vin et tout ce qui existe des choses invisibles ? Il a donc voulu que le pain et le vin lui fussent offerts par nous et fussent consacrés par lui d’une manière divine, afin que le peuple fidèle croie que c’est un vrai mystère ce qu’il a donné lui-même à ses disciples, en leur disant : « Prenez et mangez ; » et il s’exprima dans des termes semblables touchant le calice.

XL. Sans doute, il ne faut pas entendre ceci dans ce sens que les disciples, recevant le corps des mains du Seigneur, se l’administrèrent eux-mêmes. Celui-là même fut le ministre du sacrement qui en fut le consécrateur. Ces mots nous insinuent que le Christ voulut dire en quelque sorte : « Prenez ce sacrement par une double manducation. » Car le corps du Seigneur est mangé doublement, parce qu’on le comprend d’une manière double, savoir : le vrai corps, qu’il tira du sein de la Vierge et qui fut suspendu sur la croix, et le corps mystique, qu’il tire de l’Eglise, fécondée parle Saint-Esprit. Touchant son vrai corps, le Seigneur dit : « Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous. » Touchant le corps mystique, l’Apôtre dit : « Nous sommes beaucoup, n’ayant qu’un pain et ne formant qu’un seul corps. » Mais le vrai corps du Christ est mangé sacramentellement, c’est-à-dire sous les espèces ; et le corps mystique est mangé spirituellement, c’est-à-dire sous l’espèce du pain, par la foi du cœur. Touchant la manducation sacramentelle, le Seigneur dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » De cette manière, les bons comme les méchants mangent le corps du Christ ; mais les bons le mangent pour leur salut et les méchants pour leur jugement. Car si les méchants aussi ne mangeaient pas le corps du Christ, l’Apôtre n’eût pas dit aux Corinthiens : « Celui qui mange indignement, mange son jugement, ne discernant pas le corps du Seigneur. » Or, celui-là le prend indignement qui le prend sacramentellement et non spirituellement ; car Judas est dit avoir reçu l’eucharistie avec