Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/144

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— Ah ! c’est égal, j’ai bien envie de n’y point aller.

— Mais voyons, Euronique, vous m’accompagnerez comme pour porter un panier. Nous aurons l’air d’entrer chez lui, par hasard, en passant. Vous ne paraîtrez pas venir exprès, et vous profiterez cependant de votre visite en apprenant des choses qui peuvent être bonnes à savoir. En tout cas, vous aurez été plus fine que lui.

— Eh bien ! allons-y, mais je me cacherai derrière vous !

— Vous ferez tout ce que voudrez, Euronique.

Euronique se couvrit vite de sa mante en indienne à capuche, et ils partirent. Louis n’était nullement sûr de rencontrer Cardonchas qui ne se doutait pas de la visite. Le jeune homme n’avait même aucun moyen arrêté pour nouer l’affaire. Il comptait mettre brusquement la vieille et le petit archéologue danseur aux prises avec l’idée de ce mariage, puis les planter là au besoin. Il se fiait sur l’inclination mutuelle qu’il avait cru reconnaître chez les deux personnages.

Louis marcha à dessein très-vite pour essouffler Euronique et ne pas lui laisser le loisir de conter en route ses scrupules et ses émotions. Il riait sans bruit, en faisant ses grandes enjambées et en entendant Euronique qui se démenait courageusement pour le suivre.

L’idée de vieillesse s’attachait involontairement à la servante, quoiqu’elle n’eût pas beaucoup plus de cinquante ans, à cause de son humeur hargneuse, de sa maigreur et de sa peau tannée. Elle faisait à Louis l’effet d’avoir quatre-vingts ans.

Cardonchas était chez lui et seul, circonstance fort rare.

Pendant qu’il les éclairait pour les mener dans une chambre au fond de la maison, la plus belle pièce de ré-