Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écarta cette conjecture. Il y avait dans la paysanne un aspect limpide de jeunesse, qui ôtait absolument de l’esprit l’idée qu’elle ne fut point une jeune fille.

Enfin Louis se disait qu’il avait produit une certaine impression sur elle, puisqu’elle se souvenait de lui, et qu’elle avait tenu à le lui montrer ; dès lors il ne pouvait s’empêcher d’être préoccupé de l’homme qui accompagnait la jeune fille et de le considérer déjà presque comme un rival.

Ces émotions ou plutôt ces sensations lui semblèrent d’abord assez légères, et bien que Louis désirât ardemment aimer et fût disposé à croire à ses illusions, bien qu’il pensât que peut-être il y avait là le commencement d’une passion, et qu’il arrangeât déjà quelque rêve heureux, il se dit cependant qu’il ne fallait point se flatter si promptement et que le sourire de la jeune fille qui lui avait fait l’effet d’un souffle parfumé était un gage bien fugitif.

Il se raisonna, se morigéna et rentra chez lui avec une certaine tristesse, car il n’avait jamais été amené si près d’une espérance pareille et il pouvait la perdre. Malgré lui, tout cela remplissait sa tête et il ne s’en délivrait pas.

Quelque temps après, un matin, Louis était allé sur la route, faire sa promenade habituelle. Le temps était ravissant. De légers nuages clairs jetés comme un store très-fin entre le soleil et la terre commençaient à se rouler vers l’orient et y laissaient voir le bleu du ciel. L’air, chargé d’odeurs d’herbes et de feuilles mouillées par la rosée, arrivait frais aux joues. Les champs étaient d’un beau vert vigoureux. Les insectes et les oiseaux chantaient partout. Louis marchait lentement, ayant aux lèvres des airs de valse assez langoureux, inspirés par