Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/219

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de savoir la raison de tout ce trouble. Euronique, questionnée par chaque nouvel arrivant, racontait dix fois son histoire, comment elle avait été battue sans savoir pourquoi. Elle dit que Lévise lui avait fait perdre sa place pour pouvoir se livrer à son aise à ses abominations avec le monsieur, que c’était une honte pour Mangues, qu’il ne fallait pas le souffrir. Les autres femmes la plaignirent, se montèrent la tête avec elle ; on déclara qu’il fallait une vengeance exemplaire. Toutes sortes d’épithètes injurieuses, infamantes furent lancées contre l’imprudente Lévise. Il fut décidé qu’on la forcerait à force d’avanies à quitter le pays. On n’épargna pas beaucoup plus Louis. Quelques hommes ayant rejoint les femmes et ayant un peu ri de la bataille, les femmes n’en furent que plus excitées, les traitèrent de lâches, les accusèrent d’avoir peur du monsieur et de souffrir qu’il fît insulter les braves femmes par cette fille qui était tout ce qu’il y avait de plus bas dans la commune, une braconnière sans feu ni lieu, une mendiante. Puis on dit que le beau Guillaume était revenu, et qu’il s’en mêlerait, qu’il avait plus de cœur que les autres et ne laisserait pas l’outrage public impuni.

Cependant Louis, ayant eu besoin de parler à Lévise, ne la trouva pas. À la place de la jeune fille, il vit la marchande qui était restée là et attendait le retour de Lévise.

— Où est donc Lévise ? demanda-t-il avec le ton irrité des gens inquiets.

— Oh ! c’est la petite qui s’est piquée ! dit la femme en contemplant Louis comme un être extraordinaire.

— Quoi, piquée ? où est-elle ? reprit-il.

— Elle est là, à côté. Il n’y a pas grand mal. Il ne faut pas vous fâcher !