Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/310

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faisait peine. Elle ne pouvait supporter l’angoisse que lui causaient les laborieux et épuisants efforts du jeune homme. Elle était comme un cerf acculé, qui se défend à outrance puisqu’il ne reste plus aucun moyen d’échapper à la meute. L’injustice des assaillants la révoltait. Elle avait reconnu des voix de femmes parmi le tumulte, et cela surtout lui paraissait monstrueux.

— Qu’ils viennent ! dit-elle d’une voix tremblante de colère, qu’ils viennent « les paysans » ! ils seront reçus. Je les connais. Il n’y a pas ici une seule fille qui n’ait « fauté » avant son mariage ici ! Et les vols, et les assasinats cachés, et toutes les infamies qu’ils font tous les jours. Ils osent me jeter la pierre ! il n’y a pas une bonne conscience entre eux tous. Je répondrai ! je peux lever la tête. Tu es ma famille, mon père, tout pour moi ! et l’on ne voudrait pas que je t’aime. Eh bien ! qu’on s’en prenne à moi seule ! si j’en souffre, je ne paierai pas encore tout ce que je te dois ! Mais non, ils n’ont pas le droit de parler !

Elle ouvrit la porte, et aussitôt, beuglées avec une joie et une provocation furibondes, arrivèrent dans la chambre comme une volée de cailloux ces paroles :

— « C’est comme ça que la Hillegrin gagne son pain ! »

Puis une réelle volée de pierres vint siffler, claquer et mugir contre les volets de la façade.

Les traits de Louis se tendirent comme si les muscles eussent été intérieurement serrés et tordus. Tout son être était raidi par une extrême impulsion. Il lui semblait que sa tendresse pour Lévise était décuplée tout à coup, et la nécessité de la venger définitivement le transformait en une machine de colère, une machine qui doit agir jusqu’à ce qu’elle se brise en éclats. Il alla décrocher ses pistolets, avec l’idée de tirer, de recharger, puis de tirer,