Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soin de ne rien offrir à la jeune fille. Louis tomba un moment dans le silence, cherchant un moyen de rendre à ce singulier dîner un peu d’agrément pour Lévise. Et bientôt celle-ci montra par son air timide et troublé qu’elle serait morte de faim ou de soif plutôt que d’oser rien demander. Louis songea à la ranimer en lui parlant un peu d’elle, ce but tant et si mal poursuivi jusqu’alors.

— Vous trouvez-vous heureuse dans votre pays ? demanda-t-il.

— Pardine, si elle est heureuse ! interrompit Euronique.

Lévise courba davantage la tête vers la table ; voyant qu’on répondait pour elle, elle s’abstenait de parler. Louis aurait volontiers jeté la servante dans le grand chaudron qui se balançait au milieu de la cheminée. Ce nouvel accident le rejeta dans une silencieuse contrariété. Et, à la lueur de la chandelle qui les éclairait à demi, ces trois personnages, si bizarrement assortis, demeurèrent le front penché et soucieux. Seulement Euronique coulait des regards malins et en dessous vers Louis et la paysanne.

Enfin Louis retrouva l’énergie et le calme nécessaires pour revenir à la charge, et il recommença : Vous êtes en deuil, vous avez perdu une parente ?

— Eh bien oui ! sa tante ! je l’ai déjà dit à monsieur, répondit encore Euronique.

Louis se redressa brusquement, essayant de terrifier la servante par des yeux menaçants.

Il était tout à fait honteux de penser que Lévise allait certainement croire qu’il se laissait dominer par Euronique et qu’il était par conséquent un être de la dernière faiblesse.

Puis il se dit que peut-être Euronique se lasserait de bavarder, s’il feignait de ne point l’entendre et ne faisait