Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/57

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— Vous avez dit à mademoiselle comment nous nous arrangions, demanda-t-il à Euronique.

— Non, répondit sèchement la servante.

Louis se trouva subitement très-embarrassé pour expliquer l’affaire à Lévise. Il avait peur de lui paraître singulier, mystérieux, et de la pousser à croire que tous ces troubles venaient de ce qu’il était amoureux. Euronique secouait rageusement ses casserolles, et Lévise attendait. Et naturellement Louis, après un instant de silence, élabora une phrase entortillée d’une politesse exagérée et propre à exciter dans l’esprit de Lévise ce qu’il ne voulait pas qui y vînt.

— Mademoiselle, dit-il, j’ai pensé qu’il vous serait plus agréable de manger à part ; j’ai mes habitudes particulières pour mes repas… Euronique a les siennes… et…

Louis vit Euronique hausser les épaules, Lévise ouvrir de grands yeux.

Il fut pris d’une honte bizarre, tout à coup, parce qu’il se montrait gauche et maladroit « devant la jeune fille » ; il perdit la tête, et quittant comme un fou la place, il se sauva dans sa chambre, avec la nouvelle peur d’avoir froissé Lévise, qui croirait qu’il la mettait à l’écart maintenant par dédain, et n’apprécierait pas ses intentions.

Enfin, ayant repris courage après quelques minutes, et étonné de n’entendre aucun bruit en bas, il retourna sur le champ de bataille.

— Eh bien ! demanda-t-il à Euronique qui mangeait tranquillement sa soupe, eh bien ! dîne-t-elle ?

— Je n’en sais rien, répondit la servante sans se déranger.

— Comment vous n’en savez rien ! s’écria-t-il, vous ne lui avez donc rien préparé ?

— Ma foi, non, je lui ai dit d’aller se chercher son manger.