Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/81

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Pourtant il continua, espérant retrouver le ton varié et expressif, mais il s’enfonça davantage dans les intonations larmoyantes. Ce n’était plus un roman qu’il récitait, mais des litanies, le De profundis. Il n’osait s’arrêter, ni lever les yeux sur Lévise, qu’il régalait d’un si singulier divertissement.

Enfin, ahuri, épouvanté, rendu stupide par cette lecture, accablé de fatigue et d’humiliation, il cessa brusquement, prêt à se sauver et à ne pas reparaître de la journée devant Lévise, qui devait, croyait-il, être remplie d’une colère sarcastique contre lui et le supplice qu’il lui infligeait. Il la regarda d’un air suppliant pour implorer sa grâce… Elle s’était endormie, en plein jour !!!

Louis remonta à son cabinet, partagé entre l’envie d’un rire fou et une profonde irritation que lui causait la conviction d’avoir agi sottement. Le jeune homme considérait l’échec comme très-grave. Il avait employé un fort mauvais moyen « pour attiser la flamme » dans le cœur de la jeune fille. Cependant, au bout d’une heure de réflexions mélancoliques, mêlées de réactions plaisantes, il lui fallut à toute force aller voir si Lévise dormait toujours et quelle était son opinion définitive à l’égard de la façon dont le jeune homme entendait l’art de plaire.

Lévise était réveillée, mais certes non moins contrariée que lui du « malheur » qui venait d’arriver. Sa mine le montrait assez, et elle ne savait si elle devait s’excuser ou se taire. Le rouge le plus pourpre couvrait sa figure.

Louis ne voulait pas la tourmenter, quoiqu’une petite rancune contre elle le tînt au cœur : il se disait qu’elle aurait bien pu lutter plus énergiquement contre le sommeil. Il fut cependant assez bon prince.