Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/218

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Françoise eut un mouvement de tête étonné.

— C’est la faute du sort, continua Joachim, qui parlait vite, fortement, avec des intonations très variées. N’ai-je pas reculé de deux pas chaque fois que j’en faisais un en avant ? Je suis un être malheureux. Mes projets ont toujours été renversés. Pourquoi me suis-je adressé à ce misérable ? Oui, c’est un misérable, mais le savais-je ? Il faisait bien les affaires, du moins c’était sa réputation. Des gens honorables me l’avaient recommandé. Quand on veut faire des affaires, on s’adresse aux meilleurs hommes d’affaires. Il paraissait intelligent, dévoué, convenable, il se tenait à peu près à sa place.

Connaissais-je les abîmes de ce genre de monde ? Ah si j’avais été un roué sans scrupules, je l’aurais bien vite dévisagé. Les affaires ! on en fait maintenant si facilement un crime ; il y a tant de philosophes qui n’aiment point voir le prochain prospérer. Eh bien, c’est entendu, c’est un crime ! mais que tout le monde commet et pose comme la loi de la vie moderne. Tâchez donc de concilier cela ! Le travail, le désir d’augmenter ses ressources pour les transmettre aux siens, l’amour d’être utile, la haine de l’oisiveté, voilà donc cette nouvelle monstruosité ! L’ambition voilà encore un autre crime ! Eh bien, pourquoi non ? Pourquoi ne pas rechercher la gloire, la considération, l’importance ?

Mais non, celui qui a glissé en chemin porte toutes les iniquités des autres. Le bouc émissaire est bien ancien ! Voyons, à N… pourtant, j’étais estimé. Le