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OURIKA.

tourna vers moi, et je fus étrangement surpris en apercevant une négresse. Mon étonnement s’accrut encore par la politesse de son accueil et le choix des expressions dont elle se servait. « Vous venez voir une personne bien malade, me dit-elle : à présent je désire guérir, mais je ne l’ai pas toujours souhaité, c’est peut-être ce qui m’a fait tant de mal. » Je la questionnai sur sa maladie. « J’éprouve, me dit-elle, une oppression continuelle, je n’ai plus de sommeil, et la fièvre ne me quitte pas. » Son aspect ne confirmait que trop cette triste description de son état : sa maigreur était excessive, ses yeux brillants et fort grands, ses dents d’une blancheur éblouissante, éclairaient seuls sa physionomie ; l’âme vivait encore, mais le corps était détruit, et elle portait toutes les marques d’un long et véritable chagrin. Touché au-delà de l’expression, je résolus de tout tenter pour la sauver ; je commençai à lui parler de la nécessité de calmer son imagination, de se distraire, d’éloigner des sentiments pénibles. « Je suis heureuse, me dit-elle ; jamais je n’ai éprouvé tant de calme et de bonheur. » L’accent de sa voix était sincère,