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Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/32

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OURIKA.

quille ; car son calme n’avait rien de doux ; il venait de la tournure de son esprit plutôt que de la paix de son cœur. Madame de B. avait été toute sa vie dans la position de rendre beaucoup de services ; liée avec M. de Choiseul, elle avait pu, pendant ce long ministère, être utile à bien des gens. Deux des hommes les plus influents pendant la terreur avaient des obligations à madame de B. ; ils s’en souvinrent et se montrèrent reconnaissants. Veillant sans cesse sur elle, ils ne permirent pas qu’elle fût atteinte ; ils risquèrent plusieurs fois leurs vies pour dérober la sienne aux fureurs révolutionnaires, car on doit remarquer qu’à cette époque funeste, les chefs mêmes des partis les plus violents ne pouvaient faire un peu de bien sans danger ; il semblait que, sur cette terre désolée, on ne pût régner que par le mal, tant lui seul donnait et ôtait la puissance. Madame de B. n’alla point en prison ; elle fut gardée chez elle, sous prétexte de sa mauvaise santé. Charles, l’abbé et moi nous restâmes auprès d’elle et nous lui donnions tous nos soins. Rien ne peut peindre l’état d’anxiété et de terreur des journées que nous passâmes alors, lisant chaque soir, dans les journaux, la condamnation et la mort des amis de madame de B., et tremblant à tout instant que ses protecteurs n’eussent plus le pouvoir de la garantir du même sort. Nous sûmes qu’en effet elle était au moment de