Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/405

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individus afin d’étendre la vie individuelle « en longueur et en largeur[1]. Elle consiste tout entière dans la coopération soit positive, soit négative, et l’une et l’autre n’ont d’autre objet que d’adapter l’individu à son milieu physique. Sans doute, elle est bien en ce sens une condition secondaire de cette adaptation ; elle peut, suivant la manière dont elle est organisée, rapprocher l’homme ou l’éloigner de l’état d’équilibre parfait, mais elle n’est pas elle-même un facteur qui contribue à déterminer la nature de cet équilibre. D’autre part, comme le milieu cosmique est doué d’une constance relative, que les changements y sont infiniment lents et rares, le développement qui a pour objet de nous mettre en harmonie avec lui est nécessairement limité. Il est inévitable qu’un moment arrive où il n’y ait plus de relations externes auxquelles ne correspondent des relations internes. Alors le progrès social ne pourra manquer de s’arrêter, puisqu’il sera arrivé au but où il tendait et qui en était la raison d’être : il sera achevé.

Mais, dans ces conditions, le progrès même de l’individu devient inexplicable.

En effet, pourquoi viserait-il à cette correspondance plus parfaite avec le milieu physique ? Pour être plus heureux ? Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point. On ne peut même pas dire d’une correspondance qu’elle est plus complète qu’une autre, par cela seul qu’elle est plus complexe. En effet, on dit d’un organisme qu’il est en équilibre quand il répond d’une manière appropriée, non pas à toutes les forces externes, mais seulement à celles qui font impression sur lui. S’il en est qui ne l’affectent pas, elles sont pour lui comme si elles n’étaient pas et, par suite, il n’a pas à s’y adapter. Quelle que soit leur proximité matérielle, elles sont en dehors de son cercle d’adaptation, parce qu’il est en dehors de leur sphère d’action. Si donc le sujet est d’une constitution simple, homogène, il n’y aura qu’un

  1. Bases de la morale évolutionniste, p. 11.