Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/451

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enfin l’étendue de la satisfaction qu’il y apporte. En fait, d’ailleurs, c’est autour de ce point qu’oscille la valeur moyenne ; elle ne s’en écarte que sous l’influence de facteurs anormaux et, dans ce cas, la conscience publique a généralement un sentiment plus ou moins vif de cet écart. Elle trouve injuste tout échange où le prix de l’objet est sans rapport avec la peine qu’il coûte et les services qu’il rend.

Cette définition posée, nous dirons que le contrat n’est pleinement consenti que si les services échangés ont une valeur sociale équivalente. Dans ces conditions, en effet, chacun reçoit la chose qu’il désire et livre celle qu’il donne en retour pour ce que l’une et l’autre valent. Cet équilibre des volontés que constate et consacre le contrat se produit donc et se maintient de soi-même, puisqu’il n’est qu’une conséquence et une autre forme de l’équilibre même des choses. Il est vraiment spontané. Il est vrai que nous désirons parfois recevoir, pour le produit que nous cédons, plus qu’il ne vaut ; nos ambitions sont sans limites et, par conséquent, ne se modèrent que parce qu’elles se contiennent les unes les autres. Mais cette contrainte, qui nous empêche de satisfaire sans mesure nos désirs même déréglés, ne saurait être confondue avec celle qui nous ôte les moyens d’obtenir la juste rémunération de notre travail. La première n’existe pas pour l’homme sain. La seconde seule mérite d’être appelée de ce nom ; seule, elle altère le consentement. Or, elle n’existe pas dans le cas que nous venons de dire. Si, au contraire, les valeurs échangées ne se font pas contrepoids, elles n’ont pu s’équilibrer que si quelque force extérieure a été jetée dans la balance. Il y a eu lésion d’un côté ou de l’autre ; les volontés n’ont donc pu se mettre d’accord que si l’une d’elles a subi une pression directe ou indirecte, et cette pression constitue une violence. En un mot, pour que la force obligatoire du contrat soit entière, il ne suffit pas qu’il ait été l’objet d’un assentiment exprimé ; il faut encore qu’il soit juste, et il n’est pas juste par cela seul qu’il a été verbalement consenti. Un simple état du sujet ne saurait