Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/59

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de cette identité fonctionnelle et de cette solidarité qu’il doit être voulu au même titre et de la même manière que les autres règles obligatoires de conduite, par conséquent qu’il est moral.

Il n’est pas certain, il est vrai, que, même avec cette correction, le type normal réalise le dernier degré de la perfection. Sans doute, pour qu’il ait pu se maintenir d’une manière aussi générale, il faut que dans ses caractères essentiels il soit suffisamment bien adapté à ses conditions d’existence ; mais il n’est pas prouvé que rien n’y soit à reprendre. Seulement autre chose est la santé, autre chose la perfection. Or, pour le moment, nous cherchons uniquement quels sont les signes caractéristiques de l’état de santé morale ; car, si la division du travail les présente, cela doit nous suffire. Ajoutons d’ailleurs que cette perfection plus haute ne peut être déterminée qu’en fonction de l’état normal ; car il est lui-même le seul modèle d’après lequel il puisse être corrigé. On ne peut avoir qu’une raison intelligible d’en trouver défectueux certains éléments ; c’est qu’ils différent de la moyenne des autres et constituent des anomalies dans le type moyen. C’est donc toujours à ce dernier qu’on est ramené ; ce n’est que par rapport à lui-même qu’il peut être jugé insuffisant. Le perfectionner, c’est le rendre plus semblable à soi. Procéder autrement, ce serait admettre un idéal qui, venant on ne sait d’où, s’impose aux choses du dehors, une perfection qui ne tire pas sa valeur de la nature des êtres et des conditions dont ils dépendent, mais sollicite le désir par je ne sais quelle vertu transcendante et mystique ; théorie sentimentale qui ne relève pas de la discussion scientifique. Le seul idéal que puisse se proposer la raison humaine est d’améliorer ce qui est ; or, c’est de la réalité seule qu’on peut apprendre les améliorations qu’elle réclame.

Nous arrivons donc à la définition suivante : On appelle fait moral normal pour une espèce sociale donnée, considérée à une phase déterminée de son développement, toute règle de conduite à laquelle une sanction répressive diffuse est attachée dans la